Prévenir les risques d’accident de décompression
La prise en compte des facteurs favorisant les accidents de décompression amène à définir des règles de sécurité pour la pratique de la plongée, comme:
―S’interdire tout effort violent avant de plonger car amplifiant le dégazage l’organisme à la décompression d’une plongée profonde (> 35m) par rapport aux paliers calculés. L’exercice physique modéré (aérobie) une à deux heures avant, du style 45min de jogging ou vélo durant lequel on peut discuter, reste néanmoins conseillé aux personnes entrainées, en bonne condition physique, à condition de bien se réhydrater. Ceci afin de restaurer la fluidité sanguine après l’exercice qui, sinon, dévient facteur de risque d’ADD en freinant le drainage des gaz dissouts, générateur de bulles à la décompression de la plongée. Cela nous demande de prévoir une demi‑bouteille d’eau (50cl) que l’on boit au ⅓ avant de partir, les ⅔ restant pendant l’exercice, et une autre 50cl que l’on s’efforce de boire aussitôt arrivé.
Ces exercices avant de plonger semblent d’autant plus bénéfiques qu’ils “neutraliseraient” en quelque sorte, selon les études menées par le centre de médecine hyperbare et d’expertise de Toulon Sainte‑Anne1, les noyaux gazeux préexistants dans chaque tissu du corps avant toute plongée; des noyaux de CO2 produits par le métabolisme qui sont les amorces des bulles à la décompression en s’enrichissant des autres gaz dissouts dans l’organisme lors de la plongée (l’azote et l’hélium respiré). Ce que semble démontrer la réduction des bulles circulantes en plongée précédée de l’exercice une à deux heures avant, et son impact sur la réduction du risque d’ADD comme l’a également montré une étude britannique234;
Le mécanisme protecteur serait lié à la production d’oxyde nitrique NO par l’endothélium vasculaire (les cellules de nos vaisseaux) lors d’exercices qui, libéré dans le sang, à la propriété d’augmenter le débit sanguin en fluidifiant le sang et par son effet vasodilatateur. Ceci afin d’apporter plus de glucose et d’O2 aux muscles (leur source d’énergie) –d’où les boosters de NO vendus aux sportifs pour améliorer les performances, et précieux auxiliaires en bodybuilding– tout en favorisant le drainage de leurs déchets ainsi que les noyaux gazeux qui se “décollent” de la paroi des vaisseaux sous l’effet du débit sanguin au cours de l’exercice.
Un autre mécanisme pour expliquer la diminution du niveau de bulles circulantes est probablement lié à la production de différents médiateurs biochimiques sanguins tels que les protéines HSP (Heat stock proteins) en protection du stress cellulaire engendré par l’exercice comme l’agression thermique (la T° qui s’élève de quelques degrés au‑dessus de 37°C). Produites en deux heures, elles sont réparatrices des dommages cellulaires ressenties par la fatigue, et pourraient aussi jouer un rôle déterminant dans la réduction des bulles à la décompression, outre un rôle protecteur dans la genèse d’un ADD.
―Limiter à 10m/min sa vitesse de remontée d’une plongée à l’air en pleine eau >35m à l’arrivée dans la zone des 18m. Non se contenter de ralentir, après avoir décollé du fond à 15‑20m/min en général, qu’aux derniers mètres d’arrivée aux paliers, comme c’est généralement le cas. Passé 18m, il faut absolument compter 6sec/m de remontée (c’est long 10m/min…) jusqu’au palier plafond afin de limiter le dégazage qui, autrement, risque d’entrainer l’accident de décompression. Et ce, même en majorant les paliers de l’ordinateur qui n’aura cessé de biper pour nous alerter du danger, car non bénéfique à défaut de les faire suffisamment profonds (à 12m au moins) pour suffisamment comprimer les bulles circulantes, ou de se recomprimer au moins 5min à demi‑profondeur de la plongée avant de les regagner;
―Effectuer ses paliers avec une marge de sécurité sous la profondeur affichée sur l’ordinateur, ou plus profonds en connaissance de la profondeur “plancher” de décompression que tout ordinateur –comme Suunto– devrait indiquer. Car le palier représente la profondeur “plafond” qu’il ne faut surtout pas percer durant décompression, non la profondeur à laquelle il faut absolument s’aligner comme à l’époque des tables. Pas si révolu que ça quand on observe les plongeurs qui restent accrochés en grappes le long de la ligne mouillage à 3 et 6m… au lieu de se balader sans faire plus de palier(s) dans la zone d’ancrage un peu plus profonde, le temps que la décompression soit complète, que les paliers “s’effacent” sur leur ordinateur; les mêmes qui, d’ailleurs, croient toujours bon, dans la tradition fédérale, d’emporter avec eux les tables MN90 au cas où leur ordinateur tomberait en panne! Alors qu’il leur suffirait de remonter à 10m et de s’y maintenir le temps de “sécher” leur bouteille pour être certain de régler, en toute sécurité sans calcul, les paliers de leur plongée à l’air, même successive.
En pleine eau, il est important de faire ses paliers un peu plus profonds compte tenu des difficultés à nous maintenir parfaitement stabilisés. Et surtout sans risque de percer, même brièvement, le 3m que les outils de décompression modernes ont supprimé de leurs calculs, car jugé trop “critique” pour la décompression. Aujourd’hui, la prudence engage à stopper la remontée à 6m pour finir la décompression, que de vouloir absolument gagner le palier de 3m qui s’affiche sur l’ordinateur;
―Compter plus de 29s de remontée (6m/min) entre chaque palier plafond, et pour rejoindre la surface ensuite;
―Prolonger la décompression d’une plongée successive sans palier en se baladant au moins 3min –5min dans l’idéal– à une profondeur de 5 à 6m le long d’un tombant avant de faire surface. Non plus le “palier de sécu” à seulement 3m comme l’exigeaient les tables autrefois. Cette pause en fin de plongée vise à réduire de façon significative les bulles “silencieuses” dans le circuit veineux de notre circulation (-50% en 3min à 6m), et la fatigue ressentie après;
―Maintenir un minimum d’activité physique à la profondeur plafond de décompression. Non statique au palier comme on le voit trop souvent, mais en déplacement avec un palmage modéré afin d’accroitre la perfusion tissulaire et accélérer les échanges gazeux favorables à la décompression (Vann et Thalmann 1993);
―Majorer ses paliers si +50ans, +1,90m ou atteint d’embonpoint. Aussi par prudence en cas de méforme, car compensateurs des risques d’ADD dans ces conditions;
―S’interdire tout effort à l’émersion d’une plongée profonde comme s’acharner à palmer à contre‑courant pour rejoindre le bateau, remonter à l’échelle en inspiration bloquée à l’effort, soulever /hisser quelque chose de lourd à bord (le mouillage, par exemple)… Ainsi que toute activité physique intense, surtout dans les 3‑4h qui suivent, en raison du danger:
–du dégazage qui s’amplifie (➚ microbulles circulantes) par phénomène de cavitation dans les turbulences sanguines à l’effort, notamment dans le cœur qui s’accélère, à l’image de la boisson gazeuse que nous secouons;
–du shunt cardiaque FOP chez plus d’un quart d’entre nous, libérateur de bulles vers la circulation cérébrale, risquant d’être forcé en plein dégazage résiduel de l’organisme après la plongée;
–de shunts artério‑veineux pulmonaires, normalement non fonctionnels, qui s’ouvrent comme une soupape à l’exercice intense pour accélérer le débit sanguin. Ce qui libère des bulles dans le courant sanguin les menant au cerveau qui peuvent entrainer une embolie cérébrale avec vertiges, nausées, vomissements et nystagmus en cas d’atteinte vestibulaire (de l’oreille interne).
Par prudence, il est recommandé de s’abstenir de tout effort pendant six heures au décours d’une plongée à l’air supérieure à 35m, ou moins profonde avec paliers. Douze heures après une plongée Trimix.
―De respecter un délai minimum de 3heures avant chaque plongée à l’air, 2h au Nitrox. Qu’une seule plongée Trimix par jour au‑delà de 70m
Remonter sans
effort LE MOUILLAGE
Les plongeurs ont la solution du petit parachute de relevage (30L) qu’ils fixent à l’organeau de l’ancre au début de leur plongée, et gonflent à leur retour de manière à soulager la verge afin que l’ancre puisse être remontée sans effort après une petite traction de la chaine pour la hisser à bord.
Se maintenir en bonne
condition physique
La pratique régulière d’un sport est importante pour non seulement lutter contre le surpoids, mais aussi se maintenir en bonne condition physique de manière à limiter la production de bulles à la décompression et notre consommation d’air (cf.figure “La consommation d’air” au chapitre Entrainement et Préparation physique); une consommation qui est aussi influencée par l’appréhension de la profondeur, le stress, la température de l’eau, le sexe (conso de -20% en moyenne chez la femme) et l’expérience qui vaut aux plongeurs ayant plusieurs centaines de plongées à leur actif de consommer pratiquement deux fois moins que les débutants à l’autonomie d’autant réduite.
Jogging, VTT, nage, entrainement cardio en salle de remise en forme, peu importe, excepté le jogging fortement déconseillé aux personnes en surcharge pondérale de plus de 5kg, car les kilos superflus sont facteurs de souffrance aux chevilles, au dos, aux hanches… et de risque d’accident cardio‑vasculaire, sans pour autant espoir de maigrir à l’effort sans restriction calorique associée. La formule de Lorentz est l’une des plus utilisées actuellement pour calculer son poids idéal à ±10%5.
Quel que soit le moyen, la régularité de l’entraînement reste la condition essentielle. Il faut démarrer progressivement en comptant un minimum de deux séances par semaine, trois dans l’idéal, de 20 à 30min au rythme de la parole pour commencer. Les semaines suivantes en veillant à maintenir une intensité d’effort modérée pendant toute leur durée d’au moins 40min: toujours dans la cible des 60‑70%, ni plus ni moins, de sa fréquence cardiaque maximale6 avec quelques portions à allure un peu plus rapide –à 80% de sa FCmax– qu’on s’efforce d’allonger de 5min à chaque entrainement. On en mesure les premiers bénéfices après six à huit semaines au test de Ruffier, par exemple, qui permet d’apprécier l’évolution de sa forme physique▇
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1.Jean‑Eric Blatteau, Alain Boussuges, Emmanuel Gempp, Jean‑Michel Pontier, Olivier Castagna, Claude Robinet, Francois‑Michel Galland, Lionel Bourdon. Haemodynamic changes induced by submaximal exercise before a dive and its consequences on bubble formation. Br J Sports Med 2007.
2.Jean‑Éric Blatteau, Emmanuel Gempp, François‑Michel Galland, Jean‑Michel Pontier, Jean‑Marie Sainty, Claude Robinet. Aerobic exercise 2h before a dive decreases bubble formation after decompression. Aviat Space Environ Med 2005.
3.Olivier Castagna, Jeanick Brisswalter, Nicolas Vallée, Jean‑Eric Blatteau. Endurance exercise immediately before sea diving reduces bubble formation in scuba divers. Eur J Appl Physiol.2011.
4.Karen M.Jurd, Julian C.Thacker, Fiona M.Seddon, Mikael Gennser, Geoffrey A.Loveman. The effect of pre‑dive exercise timing, intensity and mode on post‑decompression venous gas emboli. Diving Hyperb Med 2011.
5.Femme = taille (en cm) – 100 – (taille – 150) / 2,5. Homme = taille (en cm) – 100 – (taille – 150) / 4.
6.cf.encadré “Le pouls pour mesurer l’effort” du chapitre sur l’Entrainement et la préparation physique pour son calcul.
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À lire absolument. L’auteur nous explique tous ce que nous devons (pas) faire pour ne pas s’exposer à un risque d’accident de décompression, et les raisons avec clarté. Facile à comprendre.
Bravo pour cet énorme travail.
Je suis intéressé a priori pour l’achat de la version commerciale, à la fois comme brevet d’État et comme médecin spécialiste en médecine subaquatique et hyperbare, et enseignant en médecine subaquatique.
Comme dans tout énorme travail, il y a quelques erreurs ou imprécisions mais que je saurai interpréter.